Lettre info 03

Préhistoire

Aujourd'hui la newsletter a pour thème la préhistoire

Le Lithophone

L’étymologie de lithophone vient de « Lithos », la pierre et « Phone » le son. De son étymologie avez vous deviné de quel instrument il s’agit ? Et bien oui ! Un lithophone est une pierre qui sonne. Oui ça existe vraiment et c’est sacrément vieux !! Les premiers lithophones datent de la préhistoire et ont été sculptés un peu comme des gros pilons. Ils ont d’ailleurs longtemps été confondus par les archéologues avec des pilons, jusqu’à ce qu’une analyse acoustique révèle que c’était déjà à l’époque préhistorique un instrument de musique. Ils étaient facilement transportables puisqu’ils sont relativement légers et peu encombrant. On a retrouvé certains de ces lithophones à des milliers de kilomètres des gisements d’où ils pouvaient être extraits. C’est comme ça qu’on sait aussi qu’ils ont été transportés. Les hommes préhistoriques qui habitaient dans des cavernes, jouaient sur certains stalactites, en témoigne l’usure des points d’impact. Chaque pierre peut avoir un son différent. Différents types de roche se prêtent bien à des essais acoustiques. L’ardoise, les stalactites des grottes, le quartz, les roches magmatiques riche en feldspath, feldspathoïdes et pâte de verre.

Voici un peu de son d'Azerbaïdjan, les lithophones du Gobustan

Le plus fou dans cette histoire c’est qu’on trouve ces pierres sonores tout autour de la planète !

Essayez vous donc à la collecte de pierre pour faire votre propre lithophone, et partagez le résultat j’en serai ravie :). D’ici le lithophone final, voici un peu d’inspiration avec ce concert interstalactite dans la grotte Tito Bustillo, des grottes d’Altamira (Espagne)

Musique et langage

Dans cette série sur la préhistoire, il m'a semblé intéressant de porter un regard sur la musique, le langage de la préhistoire à nos jours et comment langage et musique se croisent, diffèrent, se complètent ou se ressemblent.

Physionomie

La musique est une forme de communication que même les bébés peuvent reconnaître dans le ventre de la mère [1]. Notre oreille est constituée de trois petits os (étrier/marteau/enclume). L'étrier est l'os le plus petit du corps humain.

Pour faire simple, ce que l'on appelle un son est en fait une vibration, une onde mécanique qui se propage dans l'air. Cette vibration parvient à nos oreilles d'Homo Sapiens et va faire s'entrechoquer les os de nos oreilles les uns contre les autres. La forme de nos oreilles permet d'optimiser et d'amplifier l'arrivée de la vibration. Ensuite ce signal mécanique va être converti en signal électrique par la cochlée dans l'oreille interne. Ce signal électrique va ensuite être traité par notre cortex cérébral. Pour la musique, de nombreuses zones du cerveau vont être sollicitées pour le traitement du signal. Pour le langage en revanche, des zones spécifiques et moins nombreuses vont être sollicitées. Le langage est traité par le temporel alors que la musique est traitée de façon spectrale. De ce fait, le langage permet d'être plus spécifique même si la musique et le langage ont des zones de traitement communes [2].

La musique tout comme le langage sont des moyens d'échange, de communication et de socialisation. Nous avons vu comment nous recevons et traitons le signal mais comment émet-on un signal sonore? Le moyen le plus rudimentaire que nous as donné la nature pour émettre un son est pour le langage comme pour la musique, la voix. Un son est une vibration qui se propage dans l'air. Il devient donc assez logique de concevoir la voix comme une vibration et ce sont les cordes vocales comme deux « cordes » qui vont vibrer au passage de l'air et générer un son. (Oui ok il y a aussi le diaphragme, la pression de l'air et d'autres choses qui jouent un rôle mais gardons les choses simples pour l'instant). Ce son émit par les cordes vocales va ensuite être amplifié grâce à notre cavité buccale, notre bouche. Et là simplement chaque voix va être différente puisque entre autre, la taille des cordes vocales, la taille et la forme de la cavité buccale sont différentes d'une personne à l'autre. Par exemple, physiologiquement les hommes sont en général plus grand que les femmes et leur cordes vocales sont plus longues. C'est pour cette raison que les hommes ont en général une voix plus grave. Mais deux hommes ou deux femmes n'ont pas la même voix. Cette différence de son, à même hauteur, même prononciation c'est ce que l'on appelle le timbre. Le timbre est l'empreinte vocale d'une personne, aussi unique qu'une empreinte digitale. J'ai déjà abordé un peu le timbre avec les Chiptunes mais je reviendrai creuser sur le timbre dans un autre article. Ici, restons un peu encore sur notre histoire de cordes vocales et faisons un saut dans le passé, à la préhistoire tiens.

Il est compliqué de savoir précisément quel niveau de langage utilisaient l'Homo Neanderthalensis, Homo contemporain de l'Homo Sapiens. Les seuls indices qui ont été retrouvés sont des os de mandibule, de gorge et des crânes. Pas de cordes vocales malheureusement... Mais avec ces os, les technologies de reconstitution 3D ont permis de reconstituer la forme et la position de la gorge ou des oreilles. Même si ces parties de l'anatomie ne permettent pas d'affirmer avec certitude que ces Homo utilisaient la parole, couplé à des découvertes d'outils et d'art préhistorique, les archéologues supposent que ces Homo ont échangé des connaissances et une forme d'art/de spiritualité [3]. Le langage était-il leur moyen de communication ? Avaient-ils aussi des prédispositions musicales ? En tout cas des instruments de musique ont été retrouvés [4], signe que les Homo Neanderthalensis et nous les Sapiens partagions ce goût pour la musique.

Rythme et temporalité d'une langue

En musique comme dans une langue, il y a des accentuations, des inflexions, une façon de prononcer les mots ou de jouer qui va donner un style, une autre forme de langage. Par exemple le français, ou l'italien ou l'allemand ne placent pas l'accent tonique sur la même syllabe. Il y a donc une mélodie de la langue qui est différente. Mais cela change aussi le débit de parole. Plus subtil, au sein d'une même langue, on peut aussi avoir des variations. Par exemple, le français parlé par un français, par un québécois ou encore par un malien ne sont pas les mêmes. Au delà de certains mots qui diffèrent, l'accentuation, la mélodie de la phrase donne une dimension complètement différente à la sonorité de la langue française. Ces accentuations sont en fait le rythme de la langue. On peut faire le parallèle en musique. On fait de la musique plus ou moins avec les mêmes notes. Selon l'accentuation on aura un style classique, jazz, ou musique traditionnelle. Par exemple en classique classique, période de Mozart, les temps forts se situent sur le 1er et le 3ème temps. En jazz on va plutôt accentuer le 2ème et le 4ème temps et enfin dans certaines musiques traditionnelles, on va trouver des rythmes que l'on qualifie en occident d' « irréguliers» mais qui donnent la structure de la musique. Dans ces rythmes « irréguliers » peuvent être cités des rythmes afro comme celui du candombé _ _ _ . .

ou des accentuations de musique indiennes avec des mesures compliquées à écrire mais que l'on apprend en écoutant et en reproduisant encore et encore.

C'est tout à fait possible que les hommes préhistoriques se soient aussi transmis un savoir musical simplement en reproduisant par exemple ce que jouaient les uns les autres. Les lithophones étaient par exemple transportés et on été retrouvés à des kilomètres de leur lieu d'origine. On peut donc potentiellement penser que le savoir s'est aussi transmis en montrant et en répétant sans nécessairement maîtriser un langage commun.

Harmonie et linguistique

Une autre chose commune au langage et à la musique c'est la manière de structurer la langue/l'œuvre musicale. Disons que les lettres forment des mots, les mots des phrases et les phrases des textes. En musique c'est pareil, les notes forment des accords, les accords des phrases et les phrases des compositions musicales. Bach était sacrément connu pour laisser dans ses œuvres des parallèles lettres-notes en imprégnant sa musique d'enchaînements B (sib) A( la) C (do) H (si bécarre). C'était j'imagine une bonne façon pour lui de stimuler sa créativité et de signer ses œuvres. C'est aussi une bonne façon de mêler musique et langage.

Mémoire et anticipation

Enfin le traitement du langage et de la musique se retrouvent sur un point. Dans le langage on repère assez vite des occurences et c'est ce qui aide à apprendre une langue. C'est la façon de faire des bébés et des enfants. Pour la musique c'est la même chose, un rythme, une séquence harmonique qui se répète est reconnaissable. On parle souvent en musique d'un motif [2]. Enfin il y a aussi en musique des structures, par exemple une forme sonate A B A en musique « classique » ou une forme couplet refrain pour les musiques actuelles. Il y a aussi des créatifs comme Bartok qui compose avec une structure basée sur le nombre d'or. Le cerveau repère et appréhende ces schémas avec une forme d'anticipation. Mais en musique plus qu'ailleurs, cette anticipation est décuplée. Ceci par le simple fait de jouer avec les autres. Par exemple lors d'une impro en jazz, les musiciens se donnent des carrures ou des mesures d'impro pour pouvoir se retrouver, et finir ensemble ou jouer un refrain ensemble. Là la faculté d'anticipation est nécessaire. Ne vous inquiétez pas ce n'est pas parce que vous n'improvisez pas que vous n'anticipez pas car en effet en jouant avec les autres, il y a toujours une émotion, un timbre, une nuance, un tempo, une intonation d'un musicien du groupe à quoi il faut coller. Et tout ceci stimule le cerveau d'une autre façon que le langage. Il développe cette capacité d'anticipation. C'est sans doute pour cela que la musique est aussi perçue comme un vecteur de socialisation et une forme de communication.

Prélude - Suite pour violoncelle No.1 BWV 1007 de J.S. Bach

Cette fois-ci dans Allo j'écoute nous allons (re)découvrir le Prélude de la suite n°1 pour violoncelle de J.S. Bach. Au delà du fait que l'œuvre est sacrément chouette et sacrément connue, nous allons écouter l'influence de l'instrument et de son timbre sur une œuvre. Comme nous parlons de préhistoire dans cette série d'articles, les deux versions vont se jouer au violoncelle par l'immense Rostropovitch et au lithophone par l'extraordinaire Gudmundsson.

Le violoncelle est un instrument à cordes frottées alors que le lithophone est un instrument percussif. Par leur nature le timbre et les possibilités de jeu sont donc différentes. L'oeuvre de Bach est caractérisée par des arpèges avec la première note dans le registre grave de l'instrument et le reste de l'arpège dans une tessiture médium à aigüe. Au violoncelle, le son peut être tenu longtemps grâce à l'action de l'archet sur la corde et de ce fait le grand intervalle entre la basse et le reste de l'arpège est très lié. Avec un point d'appui sur la basse, l'arpège crée des envolées qui nous transporte dans quelque chose qui avance, qui est léger, fluide et qui déroule. Là dessus le tempo allant pris par Rostropovitch ajoute à cette idée de déplacement, de mouvement et même de fuite en avant. Bref pour cette version ça coule de source.

Côté lithophone, le percussif et le tempo plus lent invite plus à la méditation et sonne même comme des bols tibétains ou une boîte à musique apaisante pour les petits monstres qui peinent à s'endormir le soir. Dans l'interprétation de Gudmundsson il y a aussi un grand contraste des nuances qui amène plus de suspens et de rebondissements dans l'histoire. Cette version est un peu plus dramatique et théâtrale, mais elle détend quand même !

Et si l'envie vous dit de poster votre version du prélude, n'hésitez pas à laisser un commentaire avec un petit lien vers votre interprétation :).